Le patron, pour ses collaborateurs, c’est celui qui est disponible, c’est celui qui sait et c’est celui qui peut. Et s’il est parvenu à cette fonction, il incarne le modèle à suivre. Mais un patron peut être un bon chef quand il fédère autour de lui comme Charles De Gaulle, Nelson Mandela, ou Claude Onesta. Ou un mauvais chef, quand il fédère contre lui parce que jugé incompétent, antipathique, pervers, lâche. D’un mauvais comportement, naissent les tensions, le mensonge, la calomnie, les coups bas… Pour éviter cela, six qualités peuvent permettre à tout patron ou tout manager de devenir un bon chef.
Le bon chef se développe dans des postures et dans 6 qualités que nous allons décrire. Et si ces Qualités sont innées pour certains, pour d’autres elles ne le sont pas. Mais la bonne nouvelle, c’est que rien n’empêche de les acquérir. Cela demande un travail sur soi, car il s’agit non pas de paraître, mais d’être ! Il ne s’agit pas d’appliquer des recettes, d’enfiler un habit en arrivant au bureau et de le quitter en partant. C’est un état d’esprit : celui de servir. C’est un alignement : celui du cœur, du corps, du cerveau et de l’âme.
Si nous avons deux oreilles et une seule bouche, c’est pour nous rappeler que nous avons tout intérêt à écouter deux fois plus que nous ne parlons ! Le patron de cette entreprise de charpente, un serial entrepreneur issu d’une école de commerce, est un homme très vif d’esprit, positif, volontaire, dynamique. Il reprend cette entreprise qui fonctionne bien, et va l’emmener beaucoup plus loin grâce à une méthodologie commerciale implacable. Du point de vue du management des personnes, c’est une personne très respectueuse, qui a une volonté de faire participer ses équipes, de les faire grandir, de leur donner toutes les conditions pour s’impliquer dans la réussite de l’entreprise. Il a compris que « c’est celui qui fait qui sait ».
Mais voilà… Sa bonne volonté ne suffit pas pour que les collaborateurs s’impliquent. Ce sont des professionnels qui ont l’habitude d’exécuter, et d’exécuter avec sérieux. Mais pas d’être sollicités ni d’être force de proposition. Pour surmonter cet obstacle, ce nouveau patron se fait accompagner. Pour devenir un bon chef, son coach lui demande simplement d’observer ce qui se passe dans les interactions avec ses collaborateurs dans le quotidien… Et il va découvrir deux choses qu’il pratique sans en avoir véritablement conscience :
Écouter sans interrompre ses interlocuteurs, quitte à laisser le silence s’instaurer. Pour leur permettre d’élaborer leur raisonnement complètement, de prendre confiance en eux en ayant dit ce qu’ils pensaient vraiment. Et laisser l’ordre du jour des réunions ouvert pour que les collaborateurs le complètent et y participent. Au début ce fut la surprise ! Puis, peu à peu, l’ordre du jour s’est enrichi et les collaborateurs ont pris leur place, faisant prodigieusement évoluer la communication, l’implication, et l’état d’esprit.
Quant à l’observation, elle permet de voir les faits, points de convergences tangibles, et de laisser de côté les impressions, les interprétations, points de divergences subjectifs. Combien de situations deviennent inextricables quand les faits sont mis de côté ? L’écoute permet de comprendre ce que pense le collaborateur, ce qu’il sait. L’écoute donne à savoir s’il adhère, et où sont ses difficultés. Et bien au-delà de cela, l’écoute apporte du lien, de la qualité dans la relation, de la reconnaissance : « ce que vous dites, ce que vous pensez a du prix pour moi ». Bref, écoute et observation sont indispensables pour faire d’un patron un bon chef.
Le même adjectif, « juste », exprime par deux noms, des réalités proches mais différentes.
Le bon chef doit être juste dans les deux sens du terme. La justice et la justesse dans l’entreprise s’expriment particulièrement dans les mesures disciplinaires. Car le bon chef doit poser un acte juste quand il est juste de le faire et qu’il serait injuste de ne pas le faire. Et cet acte doit être ajusté, proportionné au mérite ou à la faute. La justice demande un discernement qui s’inscrit dans un temps raisonnable. La justesse est l’adéquation aux situations. La jurisprudence n’est pas toujours synonyme d’équité. La même cause pourra donc ne pas produire le même effet, notamment parce que dans un cas il peut s’agir d’une erreur, alors que dans l’autre ce serait une faute.
Dans une imprimerie, il y avait un jeune collaborateur plutôt brillant sur presse numérique, qui avait par contre une fâcheuse tendance à n’en faire qu’à sa tête et était difficilement gérable par le responsable d’atelier. Il était capable du meilleur comme du pire, que ce soit en productivité ou en assiduité. De guerre lasse, après l’avoir recadré plusieurs fois, le responsable d’atelier a transmis le dossier au directeur d’usine qui a tenté de nombreuses fois de raisonner le jeune homme. Les engagements étaient en général pris, mais pas durablement tenus. Tant et si bien que ce dernier avait formé le projet de se séparer du jeune. Il n’avait cependant pas le pouvoir entier de décision et devait en référer au Directeur de Division…
En effet, on peut tantôt s’enflammer de ce qui va bien, quand cela va bien : performances extraordinaires, bonne volonté, expertise. Et on peut aussi focaliser sur ce qui ne va pas quand ça ne va pas : absences injustifiées sans prévenir, productions massives rebutées. En bon chef, le directeur de Division a donc voulu avoir des éléments factuels pour évaluer si le jeune n’était pas un bouc émissaire. Le directeur d’usine s’est plié à l’exercice pourtant frustrant de se voir remis en cause sur l’évaluation. Il a collecté des informations et opéré des calculs pour évaluer les conséquences de l’inconséquence du jeune. Il a pris le parti de rechercher toute circonstance atténuante pour le jeune, pour éviter de « condamner un innocent ».
A l’issue de ce travail, le jeune fut convoqué une première fois pour licenciement. Mais il obtint au final la grâce du Directeur de Division. Puis une 2e fois… Finalement, le couperet tomba la 3e fois, car le jeune poursuivait son mécanisme de promettre de se corriger, de tendre le dos quelques mois, puis de reprendre ses travers. Les discussions ont été très nombreuses et fréquentes entre le Directeur d’Usine et le Directeur de Division pour prendre la juste décision en bon chef, en ayant fait l’effort de mettre de côté les émotions et l’affect.
L’humilité est parfois perçue comme une faiblesse, un abaissement. Comme s’il fallait toujours « être fort », « ne pas donner l’impression de ne pas savoir », « être capable de tout décider ». Or l’humilité permet au bon chef de « reconnaître ses limites, ses erreurs, ses lacunes, ses manquements autant que ses compétences, qualités et vertus ». Peut-être pour désirer aller plus loin, pour dépasser ces limites reconnues. Prenons l’histoire d’un directeur de site industriel qui voulait bien faire et faire le bien. Un délégué syndical l’avait confronté sur son devoir de mettre les machines en sécurité, alors que les dispositifs de sécurité des capots étaient shuntés depuis des années. Ni ce directeur, ni ses prédécesseurs, n’étaient parvenus à obliger les opérateurs à maintenir les dispositifs en état. Ceux-ci arguaient de perte de productivité.
Réprimant un élan de colère, le directeur a reconnu humblement qu’il était en défaut. Il a donc demandé au délégué de l’aider à faire respecter la règlementation, chacun dans sa posture : le directeur, du fait de son autorité et le délégué, du fait de son mandat de représentant du personnel, c’est-à-dire de représentant des intérêts du personnel, dont bien sûr la sécurité et la santé. Ce fut probablement la première fois où ils unissaient leurs efforts pour le bien de toutes les parties. Le résultat fut au rendez-vous. Les sécurités machines furent remises en état et l’action distincte et convergente du délégué et du directeur eurent raison des résistances.
On voit, au travers de ces histoires réelles, que les collaborateurs comptent légitimement sur un bon chef. Des attentes d’ailleurs très proches de celles que beaucoup ont de leurs responsables politiques. Ils en attendent des qualités humaines, peut-être bien plus que des compétences. Des qualités humaines essentielles au bon chef pour qu’il fédère les collaborateurs autour lui. Elles lui assurent la reconnaissance de leur part et peuvent même faire de lui un modèle que les collaborateurs n’auront de cesse de copier, d’imiter. C’est tout à fait légitime de le copier… puisqu’il est parvenu au poste où il est, il montre en quelque sorte la voie pour faire de même.
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