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Les exercices spirituels de saint Ignace : mieux discerner, mieux décider

De Les EDC

Le mercredi 29 mars 2023

Ce qui fait d’une personne une personne libre, c’est qu’elle se décide en toute liberté. Parmi les outils de discernement qui existent, il en est un qui a fait ses preuves. Il s’agit des exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites. Les exercices spirituels de saint Ignace sont une véritable manière de chercher et de trouver la volonté de Dieu dans la disposition de sa vie.

Les exercices spirituels de saint Ignace pour discerner et donc pour choisir

C’est donc à moi de me préparer et de me disposer à sentir ce que Dieu veut de moi, à moi de me laisser mouvoir et émouvoir par lui ; à moi, en fin de compte, de me décider, le moment venu en toute liberté. L’acquisition de cette liberté intérieure suppose une série d’entraînements. Tout comme l’endurance physique, la souplesse et l’adresse exigent un long entraînement. Les exercices spirituels de saint Ignace sont comme des entraînements physiques. La réflexion, la prière, la lecture attentive de la Parole de Dieu et la relecture de notre vie sont des exercices comme le sont la marche, la natation et le saut à la perche.

Saint Ignace de Loyola

Les exercices spirituels de saint Ignace, une discipline intérieure pour être vraiment libre.

A travers les exercices spirituels de saint Ignace, il s’agit de se libérer de tout « attachement désordonné », selon l’expression ignatienne. La liberté du jugement et du cœur supposent une certaine purification. L’argent, le succès, le pouvoir et le sexe peuvent être des idoles auxquelles il peut nous arriver de sacrifier. Il s’agit alors de parvenir à la « connaissance intérieure de [mon] péché » et de découvrir la racine profonde de ce qui nous éloigne de Dieu et des autres, de « sentir le désordre de [mon] activité » (autre expression ignatienne).

Une vie ordonnée est en effet une vie orientée vers le service de Dieu et des autres.

Une activité réglée par le seul souci de mon intérêt, mon avoir, mon savoir, mon pouvoir ou mon plaisir est une vie désordonnée. Une vie dont Dieu est pratiquement absent, une vie sans prière aucune, est une vie désordonnée. Il s’agit aussi de « connaître ce monde » que saint Jean dénonce quand il dit : « N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde. » (Jn 2, 15) Monde de concurrence, de rivalité, de violence, d’exclusion, de haine. L’esprit du monde est singulièrement contagieux. (…)

Reconnaître son péché, première étape des exercices spirituels de saint Ignace

On peut sans rien dire, sans rien faire, et justement parce que l’on ne dit rien, que l’on ne fait rien, devenir complice du mal à l’œuvre dans ce monde. D’où l’importance de savoir s’en reconnaître parfois solidaire. Reconnaître ainsi son péché, le dénoncer au besoin, se tourner vers le Christ libérateur dans le cadre du sacrement de réconciliation, c’est une première étape sur le chemin de la liberté proposé par les exercices spirituels de saint Ignace. Amené au pied du Christ par l’aveu de mon péché, il me faut alors prendre le temps de Le contempler. Pour devenir un homme libre, il me faut un modèle. Il est lui, le Christ, l’homme libre par excellence. Il s’agit d’apprendre à son école à savoir dire « oui », à savoir dire « non ».

Le Christ, modèle de liberté à l’égard de toutes formes de richesse.

Il va de village en village sans domicile fixe. Il est l’ami des petits et des pauvres. Il ne dédaigne pas pour autant de s’asseoir à la table du riche Simon, mais Il se laisse approcher par la pécheresse publique et Il prend sa défense devant les convives stupéfaits. Il reconnaît la science des scribes et des pharisiens, mais Il n’hésite pas à dénoncer leur hypocrisie : « Faites ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas ce qu’ils font. » (Mt 23, 2) Il enseigne de rendre à César ce qui est à César, mais le prestige et l’autorité de gouverneur romain ne l’émeuvent pas pour autant.

L'apôtre Luc nous montre le Christ « prenant résolument » le chemin de Jérusalem.

Des amis veulent le mettre en garde : « Hérode veut te faire mourir. » Il se contente de répondre : « Il me faut poursuivre ma route. Car il n’est pas possible qu’un prophète périsse hors de Jérusalem. » (Lc 13, 31) Pour lui, être libre c’est faire la volonté de son Père : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » (Jn 4, 34) Mais l’obéissance de Jésus n’a rien d’une soumission passive, résignée à une volonté d’en-haut qui s’imposerait à lui comme de l’extérieur. Elle est adhésion réfléchie, ardente et généreuse au projet du Père, un projet qu’il fait totalement sien. (…) Il faut avoir compris cela pour aborder l’heure du choix.

 

Exercices spirituels de saint Ignace : « L’élection », ou le choix, étape décisive

Nous voilà parvenus à l’étape décisive des exercices spirituels de saint Ignace, ce qu’il appelle l’élection. Dans le cadre du suffrage universel, élire c’est choisir entre plusieurs candidats, c’est éliminer. Dans le cas présent, faire élection, c’est choisir ce qui va dans le sens du service de Dieu et éliminer ce qui s’y oppose. Devenir un homme pour Dieu, un homme pour les autres, être capable d’aimer d’avantage, voilà ce qui prime. Tout le reste n’est que moyen.

Prenons l’exemple du bateau de plaisance.

À supposer qu’une possibilité me soit donnée d’acquérir un tel bateau, comment vais-je décider de son achat ? Parlant en général, Ignace-de-Loyola écrit : « L’homme doit user de toutes choses dans la mesure où elles lui sont une aide et s’en dégager dans la mesure où elles lui sont un obstacle pour un meilleur service de Dieu. » Toute la question sera de savoir si ce bateau, en l’occurrence, sera pour moi une détente utile, voire nécessaire, pour mieux remplir ma tâche.

Les exercices spirituels de saint Ignace exigent d’être « prêt » à choisir ce qui apparaitra, en conscience, le meilleur

Poser ainsi la question suppose que je sois en état de parfaite disponibilité, c’est-à-dire prêt à adopter la solution qui m’apparaîtra la meilleure sous le regard de Dieu. Le fondateur de la Compagnie de Jésus évoque « le fléau de la balance » qui se tient en équilibre, avant de pencher vers ce qui a le plus de poids. L’essentiel est que je sois capable de dire « bateau ou pas bateau » comme le Seigneur voudra, ou plus exactement selon ce qui m’apparaîtra, en conscience, le meilleur. Mais je ne puis rester à ce stade. Il faut décider.

Lorsque la décision semble couler de source : consulter un tiers

Il est des cas où la chose paraît claire et évidente. Laissons-là le cas du bateau. Le choix d’une carrière, la réponse à une vocation sont autrement graves. Or là aussi, il peut y avoir quasi-évidence. Il est des vocations de marin, de médecin qui s’imposent très tôt à l’esprit d’un jeune. Certains d’entre nous, à 15 ou 18 ans, se sont sentis appelés à une vocation sacerdotale et religieuse. Dans la prière, l’idée s’est affirmée avec une telle force qu’il n’était pas question de refuser malgré les inévitables résistances intérieures. Le choix d’un fiancé, d’une fiancée, peut répondre à ce genre d’éblouissement. Si évidente soit la décision à prendre, il sera bon cependant, et souvent nécessaire, de consulter un tiers. Celui-là confirmera mon projet ou m’invitera à prolonger ma recherche.

Lorsque les choses ne sont pas si claires, une seconde approche de la décision existe…

Une décision peut présenter des avantages, des inconvénients et des risques. Faut-il par exemple accepter cet engagement nouveau qui va perturber inévitablement ma vie professionnelle, ma vie familiale ? Je suis indécis, tiraillé entre le désir d’en faire plus et la peur d’être entraîné trop loin. Je crains d’être lâche, mais je redoute aussi d’être imprudent. Faut-il envisager la fermeture de tel atelier, la délocalisation de telle usine ? Faut-il entreprendre telle opération financière délicate ?

Ressent-on, au-delà des avantages et des inconvénients, de la joie ?

Avec les exercices spirituels de saint Ignace, il s’agit d’être attentif aux divers mouvements intérieurs qui vont m’habiter, m’agiter. À la pensée de cet engagement nouveau qui m’est proposé, mille objections me viennent à l’esprit. « Je vais devoir y consacrer plusieurs soirées par mois, sacrifier plusieurs week-end en famille. » « Je serai exposé à la critique, voire à la jalousie de certains. » « Compte tenu de tout cela, je suis enclin à renoncer. Pourtant la perspective de dire « non » me laisse insatisfait. » « Je me sens invité à sortir de mon petit confort, à faire davantage pour les autres, à prendre des risques, et cette perspective me laisse dans la paix." « L’idée d’accepter cette proposition est plutôt pour moi source de joie. »

« Une bonne décision, c’est une décision qui rend heureux »

Les exercices spirituels de saint Ignace demandent d’interpréter les oscillations vécues. Elles peuvent être des signes de l’action en moi de l’Esprit de Dieu et de l’esprit mauvais : celui qui pousse en avant, celui qui freine, qui paralyse. « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » écrit Paul aux Corinthiens (2 Co 3, 17). Et cette liberté est source de joie. « J’ai expérimenté, écrit un chef d’entreprise, qu’il y a des décisions importantes qui vous laissent le cœur léger, qui vous donnent envie de chanter. Une bonne décision, c’est une décision qui rend heureux. »

La décision de l’homme d’action mûrit dans la paix

Les hommes d’affaires seront peut-être plus enclins à utiliser la troisième approche de la décision proposée par les exercices spirituels de saint Ignace. Elle suppose d’être intérieurement calme, ni poussé par un enthousiasme irréfléchi, ni paralysé par la crainte et le doute, sans pression extérieure non plus. Je suis laissé à mes seules ressources. Il convient alors de bien préciser la décision à prendre.

Les exercices spirituels de saint Ignace proposent de chiffrer les options à l’avance.

Il faut ensuite se remettre en état de disponibilité intérieure : je suis prêt à adopter la solution qui m’apparaîtra, devant Dieu, la meilleure. Je pense à ce garçon qui aime une jeune fille dont il voudrait bien faire un jour sa femme, mais qui, depuis son adolescence, entend un appel plus ou moins confus à devenir prêtre. Choisir l’un ou l’une, c’est renoncer à l’autre. Il prend pour cela quelques jours de retraite. Dans la prière, il s’exerce à dire, et non sans mal : « Seigneur, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Un matin, il me dit avec une joie évidente et non sans émotion : « Je crois être prêt à opter pour ce qui m’apparaîtra comme la volonté de Dieu. »

Ecrire les raisons qu’offre l’une et l’autre solutions

Il est mûr alors pour mettre par écrit les raisons pour et les raisons contre l’une et l’autre solution : mariage ou sacerdoce. Et le matin suivant, il me déclare avec un grand sourire : « Je suis persuadé maintenant que le Seigneur m’encourage à poursuivre dans la voie du mariage » (ou plus exactement, il m’avoue : « Le Seigneur m’a dit : ta Catherine, tu peux la garder. »).

Il est assez frappant que, dans un pareil cas, la solution retenue n’est pas celle qui pouvait paraître au départ la plus généreuse.

Les exercices spirituels de saint Ignace aident à chercher et à trouver ce qui est sa vocation personnelle. En optant pour le mariage, en renonçant librement dans la paix à une éventuelle vocation sacerdotale, ce jeune pouvait dire en vérité qu’il faisait la volonté de Dieu. Choisir, après réflexion, discernement , prière, ce qui paraît le meilleur, c’est effectivement faire la volonté de Dieu. À travers ces trois approches de la décision, qui se complètent, se manifeste le désir de ne prendre aucune décision importante dans la précipitation, en n’écoutant que ses goûts.

Avec les exercices spirituels de saint Ignace, aucune décision importante ne se prend dans la précipitation

La décision prise alors est un acte de liberté. Elle est le résultat de l’action conjuguée de l’homme et de Dieu, que les exercices spirituels de saint Ignace aident à discerner. C’est à moi de chercher mais l’Esprit du Seigneur accompagne ma recherche. C’est moi qui trouverai la solution, mais la trouver c’est aussi la recevoir de celui qui me l’a inspirée. Il faut être très actif pour bien recevoir. Songez au joueur de football qui sait recevoir une passe pour placer ensuite le ballon dans les buts.

Se décider en tout liberté, c’est à la fois prendre une décision et la recevoir de Dieu.

C’est prendre la responsabilité d’accueillir ce qui m’est donné. « Je ne fais rien de moi-même. Je ne dis rien de moi-même » dit Jésus, homme libre par excellence. Il accepte de recevoir ce qu’il prend la responsabilité de dire et de faire. Agir en chrétien, c’est se recevoir de Dieu, au cœur de son action. C’est à ce terme que tendent les Exercices spirituels de saint Ignace, véritable école de liberté.

Cet article est extrait du livret EDC "Une spiritualité pour l'homme d'action"

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