« Jamais on n’a vu naître la sainteté ailleurs que sur un sol de prière ", écrivait un grand éducateur à un jeune militant. Et ceci est deux fois plus vrai dans notre époque de folle activité, ou plutôt d’activisme ; car l’agitation inintelligente ne mérite pas ce beau nom d’activité. Il n’y a pour l’homme d’activité vraie qu’en collaborant avec Dieu. Or Dieu n’est jamais pressé, il agit dans le calme. Activité prodigieuse dans un calme prodigieux. Apparente inaction, apparent échec, choix des moyens pauvres... quand comprendrons-nous cela à force de regarder la croix ? Donc, prie, appelle l’Esprit Saint et Dieu fera de toi un grand actif tranquille et sûr, non de soi, mais de Dieu. »
Elle permet à l’homme d’action de se différencier de l’homme agité. Car l’agité ne sait pas s’arrêter et parle trop. Incapable d’attention, il ne voit pas et n’entend pas. Trop pressé, il veut tout mener lui-même. Il ne sait pas se faire aider, s’épuise ou s’égare. Grâce à la prière, l’homme d’action évite l’agitation stérile et produit une activité utile et féconde. Or la prière est justement un coup d’arrêt dans la course au temps. Elle est un remède contre l’agitation, elle est un nécessaire retour au calme, elle est un exercice de gratuité. Prier, c’est d’abord donner du temps à Dieu, à fonds perdu, gratuitement, sans souci de rendement ou d’efficacité.
La prière, temps d’arrêt, expérience de silence, se révèle alors un repos précieux, un remède efficace contre l’agitation. Elle permet de prendre de la distance d’avec l’événement heureux ou malheureux vécu dans la journée. Elle permet de relativiser les choses. Tel échec, tel contretemps, tel propos désagréable... et peu à peu, grâce au silence, je retrouve la paix intérieure, cette paix qui ne supprime pas les difficultés, les problèmes et les soucis mais les situe à leur vraie place. La prière, c’est le calme après la tempête.
C’est au contraire prendre conscience de la présence de Dieu en nous. Et ceci non pas en faisant travailler notre imagination, en excitant artificiellement notre sensibilité ou à coups de volonté. Un jour, Dieu lui-même nous manifestera sa présence dans le silence et nous en viendrons à dire comme Jacob à son réveil : « En vérité, Yahvé est en ce lieu et je ne le savais pas. » (Gn 28, 16) La prière est alors le temps le rencontre : « Une rencontre est une chose rare et merveilleuse, écrit Jean Vanier, présence d’une personne à une autre, présents l’un à l’autre, la vie s’écoulant de l’un vers l’autre. »
Ce qui lui permet de réfléchir à sa tâche, de la juger, de s’apaiser et de retrouver le calme nécessaire à l’action. Dans ce temps d’arrêt et de silence, le chrétien découvre Dieu présent au cœur de sa vie. De cette rencontre, il repart apaisé, plus lucide, plus déterminé et plus fort. Donner du temps à Dieu, c’est en fait gagner du temps pour agir plus efficacement.
On peut répéter un texte connu et penser à tout autre chose. La prière s’identifie aussi trop souvent à une série de demandes intéressées sans cesse ressassées. Mais ce n’est là qu’une déformation de la vraie prière. « Quand vous priez, disait Jésus, ne rabâchez pas comme les païens ; ils s’imaginent que c’est à force de parole qu’ils se feront exaucer. Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin avant que vous lui demandiez. » (Mt 6, 7-8) N’oublions pas que « les artisans du changement social qui ne travaillent pas en même temps à changer leur cœur sèment au moins autant d’ivraie que de bon grain », nous explique Jean Girette dans son livre Je cherche la justice.
Cette transformation de l’homme de prière s’opère lentement, à son insu le plus souvent, mais vient un jour où les autres découvrent en lui le travail opéré par l’Esprit. « Quand Moïse redescendit de la montagne du Sinaï, il ne savait pas que le peau de son visage rayonnait à la suite de son entretien avec Dieu. Aaron et tous les enfants d’Israël virent Moïse et voici que la peau de son visage rayonnait, et ils n’osèrent pas l’approcher. »
L’Esprit devenu son guide, il apprend à son école ce à quoi il lui faut renoncer, ce qu’il doit inventer, qui lui faut entreprendre. L’homme spirituel s’est rendu tellement disponible à l’Esprit dans la prière qu’il réagira dans la vie quotidienne comme il convient. Face à l’événement, il choisira les meilleures solutions. L’action est alors pour lui le prolongement de la prière.
Tel est l’homme ou la femme que les autres veulent trouver en nous : non pas des gens qui passent leur journée à prier, mais dont toute la vie est éclairée et transformée par la prière. De l’Apôtre Paul, invitant les siens à prier « sans cesse », on a pu dire que « sa vie ne se passait pas en prière, mais sa vie passait en prière, ce qui est bien différent. Il a couru les mers, écrit et parlé, gagné sa vie, mangé et bu, dormi, souffert, tout cela en état de parfaite vigilance spirituelle. » C’est bien cette « vigilance spirituelle » qui fera de nous des hommes d’action, des actifs qui s’arrêtent pour reprendre souffle, des actifs qui savent se taire et écouter, des actifs assez souples pour obéir à l’Esprit et s’adapter à l’événement.
Cet article est extrait du Cahier EDC Une spiritualité pour l'homme d'action, écrit par Jacques Jouitteau en 2013.
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