Repreneur il y a dix ans de Binaud, une boîte familiale spécialisée dans la thermique, la plomberie et l’électricité, Thierry Burin des Roziers a décidé de déterminer la raison d’être de son entreprise en y associant ses salariés. Une démarche qui avait été préparée en amont par des décisions radicales du dirigeant, et qui s’est concrétisée avec le COVID… La crise a fait éprouver le besoin pressant d’exprimer la raison d’être de l’entreprise.
Quand on demande à Thierry Burin des Roziers comment est née l’idée de travailler sur la raison d’être de son entreprise, il indique que tout est né d’un long cheminement, qui remonte à plus de six ans. « Binaud Thermique Électricité (BTE) a été créée en 1963, c’était une société familiale, et je suis en quelque sorte la troisième génération, même si je n’ai aucun lien avec la famille Binaud. J’ai repris la société en 2010 puis, il y a six ans, j’ai opéré un changement stratégique assez « violent »: nous avons décidé d’accepter uniquement des projets sur lesquels nous pouvions bien travailler, sans courir après le temps ou la réduction des coûts. Nous avons opté pour le qualitatif plutôt que le quantitatif. »
L’objectif, selon le dirigeant, est d’améliorer le bien-être des équipes sur le terrain, tout en construisant une relation de confiance avec les clients. « Mais avec cette stratégie, assez peu courante dans le milieu, il est plus difficile de signer les commandes et notre chiffre d’affaires a baissé de 40%. Il a fallu apprendre à dire non à certaines sollicitations, en expliquant à nos clients qu’en dessous d’un certain niveau de prix, on ne pouvait pas accepter de travailler. Cela a aussi créé des incompréhensions chez certains salariés, qui ne comprenaient pas ce choix… »
Après s’être lancé dans cette démarche, Thierry Burin des Roziers décide de mettre en place la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) chez Binaud Thermique : « Nous nous sommes engagés dans la démarche Lucie référentiel Iso 26000. Mais après quelques années, j’ai décidé d’arrêter cette labellisation. Je trouvais que le plan d’actions proposé avait des inconvénients car il nécessitait de faire avancer tous les chantiers en même temps. J’avais peur de répartir mon énergie sur de multiples petits sujets. J’ai donc décidé de reprendre notre liberté pour pouvoir travailler dans une logique d’utopie créative, afin de pouvoir vraiment se demander, collectivement, ce qui était important pour nous. »
C’est à la suite de ces réflexions que l’entrepreneur décide de donner la priorité à la raison d’être de l’entreprise. Début 2020, il s’attelle à la tâche et jette sur le papier une première version, avant de consulter les salariés, alors que les prémisses de la crise sanitaire se font sentir. « J’ai alors décidé d’accélérer car, avec le confinement, nos esprits étaient, je pense, davantage ouverts au dialogue. De plus, la raison d’être de l’entreprise est un repère utile, surtout en période de crise, afin de garder le cap. »
Pour impliquer ses salariés et que ces derniers se sentent libres de partager leur point de vue, Thierry Burin des Roziers fait appel à un ami rencontré aux EDC, Bruno Herbout, tout jeune retraité au parcours diversifié : « J’ai commencé dans la marine marchande avant de travailler dans l’assainissement et la valorisation des déchets puis l’équarrissage ; avant de tenter l’aventure entrepreneuriale en reprenant une pâtisserie industrielle… » raconte l’intéressé. Des expériences diverses et variées qui lui ont appris à ouvrir les cœurs et délier les langues. « J’ai reçu les 25 salariés en tête à tête, en leur garantissant et l ’anonymat » poursuit-il. C’est aussi l’occasion de présenter la première version écrite par le dirigeant, qui s’inspire de la pensée sociale chrétienne, mais avec un vocabulaire différent, de manière que chacun garde son espace de liberté, notamment en ce qui concerne les convictions spirituelles.
« Certains étaient un peu étonnés mais pas surpris, car ils connaissaient déjà Thierry, note Bruno. Bien des mots de la raison d’être de son entreprise traduisaient déjà ce qu’il vivait dans sa boîte ou qu’il essayait de déployer. D’autres ne voyaient pas for- cément l’intérêt de prime abord, mais après avoir expliqué la démarche ils l’ont mieux compris… » La démarche est cependant bien accueillie par les employés. « Faire appel à quelqu’un de neutre était important, car certains ouvriers n’osaient pas parler au patron, explique Guillaume Boullault, l’un des plombiers de l’entreprise. Ce qu’on a dit a été pris en compte dans la raison d’être de l ’entreprise. »
Une fois la synthèse remise par Bruno Herbout, Thierry Burin des Roziers reprend sa copie en y intégrant les fruits de la réflexion de ses salariés. Il leur présente ensuite la version finale de la raison d’être de l'entreprise BTE lors d’un séminaire : « Elle met en avant notre logique de proximité, de recherche du bien commun et de développement durable, explique l’entrepreneur. Elle souligne aussi le travail collectif et complémentaire de chacun des salariés, dans le respect et l’épanouissement de chacun. » La raison d’être de l’entreprise, définie il y a seulement quelques mois, porte déjà ses premiers fruits, de l’aveu même de Guillaume Boullault : « On se sent plus écouté, et personnellement cette raison d’être d’entreprise m’a donné plus d’assurance. Je n’hésite plus à prendre des initiatives… »
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