sens du travail

Et si le sens du travail était donné par les fruits qu‘il porte ?

De Cecile Labrousse

Le mardi 15 août 2023

Nombreux sont les jeunes qui se posent aujourd’hui la question du sens du travail. Nombreux sont également ceux que la perspective d’un revenu universel attire alors que certaines des formes qu’il pourrait prendre sont de véritables menaces pour le travail. Quand le salaire n’est plus une motivation suffisante, la conscience des nombreux fruits que porte le travail est une excellente source de motivation. L’anthropologie et la spiritualité chrétienne vont nous permettre de voir bien autre chose dans le travail que le seul levier de l’enrichissement de quelques uns.

Sens du travail et fruits de la vigne

Par exemple, les fruits du travail de la vigne, ce sont les raisins, le jus de raisin et le vin. Mais le vigneron qui a travaillé avec patience, méthode, constance n’a-t-il obtenu que ces produits matériels, aussi bons soient-ils ? Résolument, il a fait fructifier ses talents de vigneron. Du jeune vigneron qu’il était, il est à présent un vigneron chevronné qui a perfectionné ses talents à travers son art et peut-être même grandi en sainteté. Et ce jus de raisin, a-t-il pu le produire seul ? Tôt ou tard, il y a d’autres personnes qui interviennent : pour les vendanges, pour la mise en bouteille, pour la vente… Un quatrième fruit est alors la communion entre les personnes.

Sens du travail : le premier fruit est le produit (bien ou service)

Le premier fruit de notre labeur - du moins le plus évident - est le produit. Il peut être un bien tel  la bouteille de vin et un kilo de raisin, ou un service comme celui que rendent les vendangeurs en cueillant les grappes de raisin. Le bien ou le service produit servira, directement ou indirectement, à répondre aux besoins élémentaires matériels (manger, se vêtir, l’hygiène, se reposer), comme aux besoins de croissance spirituelle. Pour mieux comprendre la « condition ouvrière », la philosophe Simone Weil avait travaillé comme ouvrière. Elle a vu combien une source de souffrance dans le travail existait lorsqu’il est « gouverné par la nécessité plutôt que par la finalité. On l’exécute à cause d’un besoin, non en vue d’un bien ».

Qu'apporte le bien ou le service produit ?

Le bien commun pose alors la question de leur utilité et du bien qu’ils peuvent produire chez ceux qui en bénéficieront. Il est sans doute aisé pour une infirmière de soigner une plaie et d’en voir le fruit dans le soulagement de la personne. Il peut être plus difficile pour un ouvrier en début de chaine de production de percevoir l’utilité du sien. Pourtant, sans l’ouvrier qui a fait fonctionner la presse à caoutchouc, il n’y aurait pas de pneu, pas de voiture ni de vélo ni de tracteur… ni aucun moyen de transport.

Second fruit du travail : le perfectionnement des talents de la personne

Comment pourrait-on développer les nombreuses virtualités - des talents « en puissance » -  dont le bon Dieu nous a dotés sans travailler ? Par son travail, l’homme ne transforme pas seulement les choses et la société, il accomplit et s’accomplit, et devient davantage lui-même. Et son propre développement favorise celui de toute la société. Le concept de personne et la dignité amènent à considérer l’ouvrier ou tout type de travailleur non pas comme un « moyen de production » comme la véritable finalité du travail. La conséquence sur les managers et employeurs est qu’ils veilleront, autant que possible, à donner un travail qui corresponde du mieux à ce que la personne peut apporter, et à donner les moyens - dont le temps - de bien le faire.

Fruits du travail et assises des EDC 2024

Le Seigneur a besoin de notre travail

Ce perfectionnement, qui s’atteindra parfois au prix d’un certain effort, Dieu l’a voulu. Un prêtre de la Congrégation des Fils de la Charité, éducateur de renom, Gaston Courtois, écrivait : « Dieu aurait pu créer de toutes pièces, par une intervention personnelle directe, maisons, tables et chaises, usines, laboratoires, outils et machines… Il ne l’a pas voulu. Il a fait dépendre de l’effort humain le perfectionnement, la mise en oeuvre de la création primitive. » Une citation qui rejoint celle de Jean-Paul II dans l’encyclique Laborem Exercens : « Le travail est un bien de l’homme – il est un bien de son humanité – car, par le travail, non seulement l’homme transforme la nature en l’adaptant à ses propres besoins, mais encore il se réalise lui-même comme homme et même, en un certain sens, « il devient plus homme ».

3e fruit : Le travail comme chemin de sanctification

Voici est un fruit du travail cher aux chrétiens. Toute personne, quel que soit son état de vie (religieux contemplatif ou apostolique, pasteur, maman au foyer…) pourra voir sans son travail le moyen de se sanctifier. C’est là une spécificité chrétienne importante du sens du travail. Notre façon de travailler autant que les vertus que nous tâchons de déployer pour bien le réaliser participent à notre sanctification. Cette sanctification tiendra à la fois à la mise de son travail sous le regard de Dieu par la prière et l’offrande, et aux vertus que l’on y développera. Obéissance et efforts, bien sûr, mais aussi force d’âme, optimisme devant les difficultés, justice dans les relations aux autres, humilité face aux échecs comme aux succès…

4e fruit du travail : la communion des personnes

Si la personne humaine est constituée par les relations, sa perfection tiendra à la perfection de ses relations, de toutes ses relations, de celles qu’elle entretient avec sa famille ou ses amis comme avec ses collègues de travail. Les premiers chrétiens dont la vie est rapportée dans les actes des apôtres ont fait l’expérience d’une communion profonde : « Ils étaient un seul coeur et une seule âme. » Cette communion se vit lorsqu’il existe une intensité et une qualité dans les relations. Dans cet esprit, l’on trouve dans l’encyclique Gaudium et ses n°24 : « IL (Le Christ) nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celles des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. (…) Nous sommes appelés à cette communion, une communion qui s’accomplit lorsqu’elle s’étend à l’humanité entière. »

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