La loi Pacte offre à toute société quel que soit son statut (SAS, SARL, ETI…) la possibilité de se doter d’une « raison d’être » ou d’embrasser la qualité d’« entreprise à mission » pour rendre visible leur engagement social, territorial ou environnemental. L’occasion, aussi, d’affirmer leurs valeurs à toutes leurs parties prenantes. Parmi les entreprises qui ont franchi ce cap, il y a la jeune SAS Eloi, ainsi que la SAS Le Cèdre fondée en 1998. Son dirigeant, Éric Chevallier, apporte ici son témoignage sur comment cette société est devenue une entreprise à mission.
Si l’entreprise à mission recouvre une variété de formes, elle se définit par quatre principaux piliers : la mission, les engagements, l’évaluation et la gouvernance. Il s’agit d’abord de formuler la raison d’être de l’entreprise et d’une mission, librement définie, dotée d’un impact social, sociétal ou environnemental positif, engageant les actionnaires avec une inscription dans les statuts ou tout autre document officiel. Ainsi, l’adoption d’une mission de l'entreprise engage l’entreprise auprès de ses parties prenantes à déployer les moyens nécessaires pour accomplir sa finalité sociétale. La mission de l’entreprise doit pouvoir se traduire dans des engagements et objectifs chiffrés, objectivés et évalués à un rythme annuel. Enfin, la gouvernance doit porter la mission de l'entreprise comme un enjeu de première importance, soit au sein de l’organe de contrôle principal soit par la création d’un Comité ad hoc.
Soucieux de faire progresser le fonctionnement du Cèdre, son dirigeant Éric Chevallier a découvert avec joie le livre d’Isaac Getz sur l’entreprise libérée dont les principes semblaient répondre à ses attentes : création d’un climat de confiance dans la société, une meilleure reconnaissance des collaborateurs, la mise en place d’une réelle autonomie dans le travail, encouragement des initiatives personnelles, subsidiarité… Pourtant cela s’est mal terminé. Trois ans après le lancement de cette démarche le DG a fait un burn-out…
En replongeant dans la réalité, Éric Chevallier a découvert que la mise en place des principes de l’entreprise libérée, principe qui sont par ailleurs excellents, avait provoqué la disparition de l’autorité à tous les étages. Plus personne ne pouvait dire non ! Au nom de la subsidiarité et de la bienveillance les managers n’osaient plus dire à leurs équipes « votre idée est bonne mais on ne la mettra pas en place ». Conséquences : une multiplication des projets, une superposition d’idées et une complexification du fonctionnement à tous les niveaux. En fait, il manquait le contrepoids d’un objectif partagé, un souci du Bien Commun clairement défini.
Parfois, les évidences sont là. Encore faut-il les exprimer… C’est ce qu’a permis la démarche au Cèdre : « Rendre concrètes et incontournables des intuitions de fond sur ce que nous voulons vivre profondément. Préciser sa mission, c’est donner un sens au travail quotidien de tous les collaborateurs. Et en inscrivant la mission dans les statuts de l’entreprise il y a quelque chose de solennel qui engage l’avenir. »
Quels sont les principaux obstacles rencontrés ? « Pour que la mission de l’entreprise ne reste pas juste « l’idée du Président », ou un simple effet marketing, il faut embarquer toute l’entreprise. C’est un processus lourd, qui demande d’y consacrer du temps. Mais la motivation est à ce prix. » Quels conseils pour quelqu’un qui démarre ce processus ? « On ne s’invente pas une mission. On l’a en soi ou pas. Pour comprendre la démarche il est très inspirant de commencer par rencontrer d’autres entreprises qui ont fait ce chemin et qui ont vraiment mis leur vocation au cœur de leur activité. »
Pour en savoir plus : La « communauté des entreprises à mission » (association loi 1901) a pour vocation de faire rayonner les entreprises qui affirment leur rôle social et veulent contribuer au bien commun.
Pour l’entreprise, le processus d’écriture de la mission de l’entreprise a été enclenché mais le travail n’est pas encore terminé. Quelques pistes sur le mode opératoire adopté par le Cèdre. En entrant dans le concept d’entreprise à mission, le Cèdre a travaillé d’abord avec le Comex, puis avec des fournisseurs extérieurs, le conseil d’administration. Son patron témoigne : « La mission a été écrite avec le codir. C’est un travail long et difficile. Nous avons produit puis nous avons fait partager le fruit de notre travail aux équipes. La mission va être dans les statuts car le véritable intérêt c’est que cela soit connu, compris et partagé. On a bien précisé que la formulation finale reviendrait aux associés, et in fine à la holding familiale. »
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