Quand il a créé À vos côtés en 2006, Guillaume Leenhardt avait une ambition: aider les personnes âgées. « À l’époque, on parlait déjà des problèmes des retraites et de l’autonomie des seniors, je voyais bien qu’avec le papy-boom qui s’annonçait, cela allait vraiment impacter la société, se souvient l’intéressé. Mais je n’avais pas pris la mesure de la question des salariés! Je me suis rendu compte que je gérais surtout des employés que l’on mettait à disposition pour réaliser les prestations. »
« Cela s’est imposé naturellement par la réglementation de nos autorités de tutelle, qui réclament un contrôle accru afin, notamment, de prévenir toutes les questions autour de la maltraitance, précise Guillaume Leenhardt. Je trouvais que cette logique très descendante, avec le responsable d’agence, les responsables de secteur et leurs assistants qui coordonnent des armées d’auxiliaires de vie exécutant les ordres sans se poser de questions déshumanisait un peu le travail… » Il ne renvoyait pas non plus une bonne image du métier, peu valorisé socialement.
« D’ici 2030, on comptera dans l’Hexagone un million de personnes dépendantes supplémentaires à aider, rappelle le dirigeant. En même temps, dans notre secteur, la moitié des effectifs va partir à la retraite, et nous rencontrons déjà, aujourd’hui, de graves difficultés pour recruter… » Guillaume Leenhardt réfléchit donc à une solution pour attirer de nouveaux talents. Il va la trouver en 2018 aux Pays-Bas, dans une entreprise qui a mis en place un système organisationnel privilégiant la subsidiarité, avec des équipes autonomes, l’absence de chef et une forte cohésion inter-équipe.
Si l’idée est séduisante sur le papier, sa mise en œuvre n’est pas forcément aisée de prime abord, comme il l’avoue : « Une partie des salariés travaillant dans notre secteur n’a pas un niveau d’études très élevé. Il est donc difficile pour eux de fonctionner en totale autonomie. C’est là tout l’enjeu, mais aussi un pari que nous assumons pour préparer l’avenir. C’est en proposant une autre organisation que nous espérons attirer des candidats souhaitant donner du sens à leur vie professionnelle en devenant auxiliaire de vie. » Aujourd’hui, 60% des effectifs ont intégré des équipes autonomes. « Il y a un cadre à respecter, avec trois règles intangibles: le respect du bénéficiaire, la priorité à l’intérêt général et l’équilibre financier, rappelle Guillaume Leenhardt. À partir de là, les équipes s’organisent comme elles le souhaitent. »
Ceux qui ont opté pour cette nouvelle organisation sont séduits par la liberté et les responsabilités qu’elle offre : « Les salariés ont repris la main sur leur vie professionnelle et deviennent véritablement acteurs de celle-ci, avec des possibilités d’initiatives, d’actions, de décisions et d’organisations pour eux-mêmes » note le dirigeant. Pour réussir ce pari, Guillaume Leenhardt a dû apprendre à lâcher prise et à faire confiance, afin que l’application de la subsidiarité bénéficie à tous: « Cela permet de répondre aux attentes des salariés, mais aussi aux besoins futurs de l’entreprise par rapport aux enjeux de demain. »
Cela apporte également des solutions dès aujourd’hui sur le terrain, comme dans le milieu rural où l’entreprise ne peut installer une antenne dans chaque village, mais aussi par rapport à l’investissement des salariés eux-mêmes: « Certains n’hésitaient pas à multiplier les arrêts de travail de “ complaisance ”, parce qu’ils n’avaient pas obtenu les congés qu’ils souhaitaient ou qu’ils subissaient un emploi imposé. En équipe autonome, chaque salarié a la mainmise sur son planning, il doit s’organiser avec ses collègues, chacun se responsabilise et cela renforce la cohésion. »
Cela bénéficie aussi aux autres parties prenantes, reconnaît le dirigeant: « Si je me suis lancé, après une grande réflexion intérieure, dans l’aide aux personnes âgées alors que je me destinais à devenir trader, c’était pour répondre à un besoin d’utilité sociale et donner du sens à mon boulot. Aujourd’hui, cela passe par le fait que les salariés soient épanouis dans leur travail et contribuent aussi à une meilleure prise en charge des personnes accompagnées au quotidien. »
Autant d’éléments qui ont conforté Guillaume Leenhardt dans son choix, mûrement réfléchi pendant des mois, et nourri par la pensée sociale chrétienne. « Je ne prends pas la pensée sociale chrétienne comme un mode d’emploi à appliquer, reconnaît le président de l’équipe EDC Marthe et Marie de Montpellier, mais le fait de s’interroger sur ces sujets, d’avoir des thèmes en lien lors de nos réunions, d’en discuter entre nous, agit nécessairement sur ma façon de penser… » Et Guillaume Leenhardt de conclure: « Je n’ai aucune leçon à donner sur cette décision stratégique; je suis persuadé que je suis dans le vrai, mais je peux comprendre les doutes que cela peut susciter. Cela semble adapté à mon secteur d’activité, c’est peut-être plus compliqué à appliquer ailleurs. On pourra tirer des conclusions dans dix ans, pour savoir si cette idée était bonne ou non… »
G.Demouveaux
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