C’est dans l’Yonne qu’Alexis Nollet et Sébastien Becker posent la première pierre d’un projet original en reprenant en 2006 une menuiserie. Au fil des années, ils ont développé différentes rassemblées sous le nom d’Ulteria. Plus qu’une entreprise, les deux hommes définissent leur structure – qui compte aujourd’hui 180 salariés, plusieurs usines, une ferme, une école et une maison éco-citoyenne - comme « un écosystème créateur de valeurs pour l’Homme et le vivant », tournée vers le bien commun. De quoi expérimenter, en milieu rural, les bases d’un nouveau modèle de société…
Le 23 novembre dernier, le jury du prix Philibert Vrau de l’économie du bien commun a souhaité récompenser le projet Ulteria. L’occasion pour Alexis Nollet de redécouvrir la chapelle Saint-Joseph, rénovée l’an dernier et qui, pendant des années, a servi de salle d’examen pour les étudiants de l’Université catholique de Lille. Aujourd’hui bourguignon, Alexis Nollet s’est souvenu de ses heures passées à plancher sur sa copie, alors qu’il était étudiant à l’ISA, une école d’ingénieurs dépendant de l’institution lilloise. Diplômé en 1997, il quitte son Nord natal pour la Colombie, où il s’engage dans une ONG qui travaille auprès d’enfants…
Si la dimension écologique est prépondérante dans la vision d’Ulteria, selon Alexis Nollet : « le véritable moteur d’Ulteria est le social. A 22 ans, je suis parti avec une ONG dans un bidonville en Colombie. Depuis cette expérience la conscience d’être un nanti m’est restée, ainsi que l’envie de participer à un progrès social mais pas que. »
Après ces deux années de bénévolat, il se lance dans la vie professionnelle. Embauché au sein du groupe L’Oréal, il débute sur les sites industriels et logistiques de la multinationale, d’abord à Cambrai puis en région parisienne. Après sept ans de salariat, il décide de changer de voie, à un peu plus de 30 ans, pour donner davantage de sens à sa vie.
« C’est ma rencontre avec un entrepreneur, ex-salarié, qui m’a donné l’idée, avoue Alexis Nollet. À l’époque, je ressentais l’envie d’être à mon compte et de diriger ma vie. Ce chef d’entreprise m’a accueilli une journée afin de découvrir son quotidien et ce monde que je ne connaissais pas. En rentrant, je me suis dit que c’était cela que je voulais faire ! » Au même moment, un ancien camarade de promo, Sébastien Becker est dans le même état d’esprit. Les deux amis décident de s’associer et de chercher ensemble une entreprise à reprendre.
Ulteria est ainsi né avec le rachat d’une menuiserie Mobil Wood https://www.mobilwood.com : « Nous étions très ouverts quant au domaine d’activité, poursuit le dirigeant. Je tenais ainsi à ce que l’entreprise soit située à moins d’une heure de la ville natale de mon épouse. » Pour autant, ce n’est pas un hasard s’ils reprennent cette société qui compte à l’époque une trentaine de salariés et est spécialisée dans la fabrication de meubles en bois et l’agencement de magasins bio. « Nous portions un projet économique et social, en milieu rural. Mais soyons honnêtes, à l’époque, nous voulions avant tout rembourser nos dettes et vivre de notre travail. Nous cherchions à trouver des débouchés et à rationaliser l’appareil productif. Sébastien et moi partagions l’intégralité des responsabilités au sein de l’entreprise. »
La conjoncture étant plutôt bonne, l’activité économique sur laquelle reposera Ulteria se développe et les deux associés font l’acquisition de deux autres menuiseries, en Bretagne et en Nouvelle-Aquitaine. La proposition de rachat par un groupe américain en 2016, qu’ils déclinent, est l’occasion pour eux de réfléchir au sens de leur activité. « Au fil des années, nous avons su créer un lien authentique avec nos salariés, différent des relations traditionnelles de travail, explique Alexis Nollet. Il était grand temps de mettre en pratique dans l’entreprise cette confiance que nous avions construits ensemble. » Les deux associés s’appuient sur l’autonomie par le sens, la responsabilisation et l’intelligence collective...
Sensibilisés autour des enjeux climatiques et marqués par l’encyclique Laudato Si’, « qui résume bien la situation et fait clairement le lien entre l’environnement, le social et l’économique », les deux associés décident également d’être pragmatiques et de rassembler, sur un même lieu, une partie de leur activité économique, à laquelle ils associent des activités sociales et environnementales. C’est ainsi que l’une des premières briques d’Ulteria voit le jour, et se concrétise à Saint-Bris-le-Vineux (Yonne), sur un site de 10 hectares rassemblant l’une des usines, une ferme qui produit des fromages de chèvres, une école Montessori et une maison écocitoyenne, ouverte sur le territoire. « Le travail fait partie intégrante de nos vies, il fallait le réintégrer à côté d’autres activités qui font l’humain, comme l’éducation, le lien social ou l’environnement. »
L’objectif d’Ulteria est de créer un écosystème hybride, créateur de valeurs pour l’Homme et le vivant, capable d’apporter du sens au travail, œuvrant pour le bien commun et qui pourrait être l’expérimentation d’un nouveau modèle d’organisation venant en aide au monde de demain… Autant d’idées qui raisonnent avec la pensée sociale chrétienne. « Pour moi, la foi est quelque chose d’intime, qui n’est pas du domaine public. Elle n’a donc pas vraiment sa place dans mon entreprise. Je n’étudie donc pas tout ce que je fais sous le prisme de la pensée sociale chrétienne. C’est intuitif, mais cela fait partie de mes valeurs et de mes convictions. » Ces dernières ont été nourries par une adolescence marquée par le scoutisme et plus de 15 ans d’équipe Notre-Dame.
Alexis Nollet et Sébastien Becker militent également pour que l’entreprise soit elle-même considérée comme un bien commun. « Nous avons eu ce questionnement lié à la propriété de l’entreprise après la tentative de rachat, se remémore-t-il. Nous nous sommes rendus compte à ce moment-là qu’un projet d’entreprise était fragile, car très lié aux intérêts de ses actionnaires. » Pour cela, ils ont créé en 2018 une fondation, actionnaire à 10 % de la holding et siégeant au comité stratégique, qui a le droit de veto sur les décisions structurantes pouvant remettre en cause la raison d’être d’Ulteria...
Article extrait de la revue Dirigeants chrétiens n°110.
+ d'infos : www.ulteria.fr
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