En mars 2020, le télétravail n’était pas une chose nouvelle mais sa généralisation très rapide a accéléré la mutation du rapport au travail et au collectif. Au sein des entreprises, de nombreux collaborateurs travaillent désormais en dehors des locaux entre un à trois jours par semaine. Ils ont gagné en qualité de vie : moins de trajets, plus de temps chez soi et pour soi. Pourtant cette amélioration du confort personnel n’est pas sans contrepartie. En effet, si le télétravail privilégie la satisfaction des besoins extrinsèques des collaborateurs il met à mal la dimension intrinsèque du travail. Le développement du télétravail pose donc la question de la motivation des collaborateurs et plus largement celle de la place de l'activité professionnelle dans la vie de chacun de nous et de la société.
Avec le télétravail, grande est la tentation pour une entreprise de voir ses collaborateurs comme des travailleurs indépendants les uns des autres et de gérer la relation au moyen d’objectifs et de contrats. Les collaborateurs sont soumis à une tentation symétrique bien légitime : celle de profiter au maximum du confort de travailler de chez soi.
Or le constat est largement partagé : le télétravail renforce l’identité individuelle mais affaiblit celle du collectif. L’enjeu pour les entreprises aujourd'hui n’est donc pas tant de développer la satisfaction autour du télétravail que de préserver la motivation et la cohésion à l'activité de leurs collaborateurs.
Les entreprises qui partagent ce constat et souhaitent se développer harmonieusement gagneraient à aborder le sujet comme une « conduite du changement ». Ils peuvent s’interroger sur chacune des trois dimensions du travail développées dans Laborem Exercens de saint Jean-Paul II : les dimensions subjective, objective et collective.
Aujourd’hui, chacun a pu constater que les relations sont beaucoup plus riches en présentiel. Avant la pandémie, ce n’était pas une évidence pour tout le monde. En télétravail, les interactions avec les autres sont moins fréquentes ou moins directes. Les équipes ont recours aux visioconférences et au partage de documents auxquels chacun accède séparément. Certains sont davantage en réunion, car sans communication non verbale et sans communication informelle, le moindre sujet demande plus de temps.
Peut alors de se développer un sentiment « d’invisibilité ». Pour qui suis-je vraiment important ? Or, nous avons tous besoin d’être important pour quelqu’un pour nous sentir vivants. La distance rend moins évidente la reconnaissance.
Dans le télétravail, chacun porte seul la responsabilité de se mettre au travail et de s’organiser. La principale présence est celle de l’écran dont il est difficile de se détacher pour faire des pauses. L’organisation personnelle est donc privilégiée. Le soutien des collègues est moins naturel.
Pour le sociologue Hartmut Rosa [Cf. son livre Résonance, éditions de la découverte], chaque personne a besoin de « résonance » ou de réalités avec lesquelles elle se sent en harmonie. Cette harmonie peut se trouver dans de belles relations vécues avec ses coéquipiers de travail ou ses clients et dans la reconnaissance qu’elle pourra recevoir d’eux. Malheureusement, le télétravail a tendance à introduire de la distance entre les personnes pouvant aller jusqu’au sentiment d’avoir « perdu le lien ». Avec cette perte de lien va le sentiment d’être invisible dont nous parlions plus haut et même avec une certaine déconnexion d’avec les valeurs, la raison d’être de l’entreprise.
La créativité si caractéristique du travail de l’homme « co-créateur » a besoin d’interactions avec d’autres dans et hors de l’entreprise. En télétravail, celle-ci sont moins nombreuses. C’est parce qu’elles constatent que leurs équipes étaient moins innovantes et moins efficaces dans la recherche de solutions que certaines entreprises cherchent à faire revenir leurs collaborateurs.
A son propre domicile, le travail est motivé par une recherche de productivité personnelle et le sentiment d’être efficace. L’efficacité s’accompagne d'ailleurs d’une hausse de la charge de travail (cf. le rapport de l’institut Montaigne sur le travail de février 2023). Cependant, qui dit davantage d’efficacité dit aussi moins de coopération… et probable hausse d’une certaine « contre-productivité » collective. Là où des points se réglaient autour du bureau d’un collaborateur, il est nécessaire aujourd’hui d’envoyer de nombreux e-mails. Plus dommageable encore, la séparation des tâches et la baisse de l’entraide spontanée entre collaborateurs ne favorisent pas le développement des compétences.
Le télétravail est l’occasion de se rappeler comme nous y a invités Saint Jean Paul II que si le travail créateur est le propre de l’homme et s’il est nécessaire au développement de son humanité « Le travail est au service de l’homme et non l’homme au service du travail ». Ainsi la recherche d’un équilibre au service de sa famille est légitime pour la recherche d’une juste réalisation de soi.
Sommes-nous devant une métamorphose sociale ? Peut-être, mais là n’est pas l’essentiel. L’important est de renforcer ou retrouver la qualité humaine du travail. Il nous semble que redonner tout son sens au travail humain est incontournable.
Les temps de confinement nous ont donné à voir combien une communauté quelle qu’elle soit avait besoin d’une unité de temps, de lieu et d’action. Les moments collectifs : moments de team building mais surtout des moments où l’on travaille ensemble, où l’on parle de travail. Le dialogue - de vive voix ! - autour du travail, de ses enjeux, des objectifs est une clé de voute pour la construction du collectif.
Ce point souligne l’importance d’une bonne communication interne dans laquelle il ne s’agit pas seulement d’informer des objectifs que l’entreprise poursuit que de susciter l’échange autour du projet. Comment chacun contribue par son travail au bien commun.
Un article de Nicolas MASSON, Associé PRAGMA et président de la Commission Ecole des EDC.
Source :https://www.pragma-management.fr/publications/teletravail-il-est-grand-temps-de-faire-le-point-a99
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